Comment la pollution nous tue à petit feu

Chaque jour, nous respirons environ 20m3 d’air. Sa mauvaise qualité touche en premier les voies respiratoires dont le système de protection et d’épuration finit par ne plus être suffisant.


Les polluants aériens s’installant au niveau des alvéoles pulmonaires, ces petites unités fonctionnelles où s’opèrent les échanges gazeux entre sang et air. Mais les effets de la pollution aérienne ne se limitent pas au seul système respiratoire. L’ensemble de notre corps – système immunitaire, cellules, sang – en subit les conséquences. Les études de toxicité qui se sont multipliées ces dernières années, montrent sans ambiguïté l’étendue des dégâts sur notre organisme. Pour la première fois, grâce au programme de surveillance air et santé, on dispose depuis le mois de juin dernier de données faisant un lien entre le taux de particules en suspension dans l’air et le risque de mortalité : plus de 30 000 décès prématurés seraient imputables chaque année à la pollution urbaine en France. On sait même chiffrer l’impact d’une augmentation de la pollution : toute augmentation de 10 μg/m3 de PM comme toute élévation du taux d’ozone de 0,9 % s’accompagne immédiatement (le jour même et le lendemain) d’une augmentation de 2,2 % de décès !

Toxicité des particules fines aériennes

Plus les particules en suspension dans l’air sont fines, plus elles pénètrent profondément dans les voies respiratoires et sont susceptibles d’y provoquer une inflammation. Les conséquences sont multiples :

  • La mortalité par affections cardiaques et respiratoires est accrue, particulièrement chez les femmes et les personnes de plus de 65 ans. Les particules fines (PM2,5) sont considérées comme des cancérogènes probables.
  • Plusieurs indices permettent de penser que le risque de maladies neurodégénérative serait accru : les garagistes et les per- sonnes vivant à proximité d’une voie routière très fréquentée seraient plus exposés aux maladies d’Alzheimer et de Parkinson.
  • Par ailleurs, une étude pratiquée sur dix volontaires confinés dans une atmosphère surchargée en particules diesel montre que l’impact est identique à celui observé au cours d’un stress intense.
  • Enfin, il a été démontré que le travail posté aux péages d’autoroute expose aux altérations de l’ADN et donc aux cancers : les femmes non fumeuses et exposées aux fumées d’échappement ont des taux urinaires en 8-OHdG (un marqueur de l’oxydation de l’ADN) augmentés de 90 % par rapport aux femmes travaillant dans les bureaux !

Toxicité des POP

Les polluants organiques persistants (POP) ont une action toxique différente car ces substances ont la particularité de s’accumuler facilement dans les tissus vivants : l’homme peut être contaminé directement par les POP présents dans l’air qu’il respire ou indirectement par les aliments pollués qu’il consomme. Les effets de ces POP sont encore mal connus chez l’homme car les manifestations n’apparaissent le plus souvent que plusieurs années après l’exposition.

  • En laboratoire, on a pu mettre en évidence une toxicité multiple : cutanée, hépatique, immunitaire, hormonale, sexuelle, cancérogène. Même s’il est difficile d’extrapoler ces résultats à l’homme, le principe de précaution devrait être ici appliqué avec une extrême rigueur. Ce n’est pas le cas.

Toxicité de l’ozone troposphérique

L’ozone troposphérique est pro-oxydant, c’est-à-dire qu’il accélère le vieillissement, notamment au niveau de la peau et des voies respiratoires. G Sa toxicité est multiple et d’autant plus sévère que le terrain est affaibli : immaturité fonctionnelle chez les enfants, défi-cience fonctionnelle liée à l’âge, asthme sévère, insuffisance respiratoire chronique ou aiguë. Les signes les plus fréquemment rencontrés sont la toux, la gêne respiratoire notamment en inspiration profonde, l’essoufflement au moindre effort, l’irritation des yeux, du nez et de la gorge. Par ailleurs, toute élévation du taux de l’ozone dans l’air atmosphérique augmente le risque d’accident coronarien. Les résultats d’une étude qui portait sur l’atmosphère de l’agglomération toulousaine sont éloquents. Chaque nouvelle élévation du taux d’ozone de plus de 5 μg/m3 s’accompagnait, le jour même et le lendemain, d’une élévation du risque d’accident coronaire aigu tant au sein de la population générale (+ 5 %) que chez les personnes présentant un antécédent cardiovasculaire (+ 14 %).

Toxicité de la pollution domestique

La fumée du tabac

De tous les polluants domestiques, la fumée du tabac est de loin la plus toxique. Le monoxyde d’azote traverse le placenta, il est responsable d’une hypoxie chronique maternelle et fœtale. Les autres composants, comme la nicotine, les nitrosamines, les hydrocarbures polycycliques aromatiques et autres substances irritantes, sont responsables de nombreuses pathologies, des pneumococcies au cancer, en passant par l’embolie pulmonaire et l’infarctus du myocarde.

Les solvants et autres produits volatils

L’omniprésence des solvants et autres produits volatils est la seconde cause des maladies domestiques. Leur toxicité est soit directe (en lien avec leur propre nocivité) ou indirecte (liée à la nocivité des substances dans lesquelles ils se dégradent). G Ces produits sont ainsi responsables de maux de tête chroniques, de troubles respiratoires, cardiaques, digestifs, hépatiques, rénaux, neurologiques... Mais le délai entre l’exposition et l’apparition des symptômes dépend de l’intensité de l’exposition, de la nocivité de la substance et du terrain de chaque individu.

Les composés organiques volatils

Certains des COV présents dans de nombreux produits d’entretien ou matériaux de construction sont cancérogènes, en particulier le benzène, les dérivés du butène et du butadiène, le tétrahydrofurane, le trichloréthylène ou le formaldéhyde. Bien que le pouvoir cancérogène de ce dernier soit reconnu. Les autorités sanitaires affirment que le risque de développer un cancer nasopharyngé est négligeable. On observe toutefois que le risque existe bien pour les ouvriers qui y sont exposés régulièrement. Par ailleurs, les COV et les pesticides participeraient fortement à l’augmentation régulière des pathologies hormonodépendantes.

  • Chez l’adulte : cancers du sein, de l’utérus, des ovaires, de la prostate.
  • Chez l’enfant : d’abord chez le garçon à la naissance (ectopie testiculaire, implantation anormale de l’orifice urinaire sous la verge, atrophie de la verge) puis plus tard dans les deux sexes (puberté précoce).

L’allergie : conséquence indirecte des pollutions aériennes

L’augmentation de la teneur en CO2 de l’air atmosphérique augmente la production en pollen de plantes, comme l’ambroisie. De plus, les oxydes d’azote, l’ozone troposphérique et les PM2,5 des moteurs Diesel augmentent la quantité de substance allergénique dans les pollens de certaines autres plantes et en favorisent la diffusion.

Comme d’autre part, tous les polluants aériens induisent et entretiennent une inflammation des voies aériennes, les manifestations allergiques et notamment asthmatiques sont accrues.

Pour autant, on est encore loin de tout connaître sur l’impact des différents polluants que nous respirons. La pollution étant plurifactorielle, l’étude du risque reste bien souvent difficile. Notre connaissance et l’évaluation de ces polluants sont aussi récentes. Ainsi on ne quantifie et contrôle l’émanation d’ozone que depuis le début des années 2000. Idem pour la prise en compte de la pollution domestique. Enfin, certaines pollutions sont ignorées : pendant longtemps on n’a pas voulu reconnaître que l’ammoniac présent dans l’air était le fait des activités agricoles liées à l’utilisation des engrais phosphatés. Face à ce défi, la meilleure réponse apportée jusqu’ici a été l’énoncé d’une clause de précaution. Malheureusement les énormes pressions exercées par les groupes industriels ont rapidement rendu difficile sa mise en application. L’espoir d’une amélioration passe donc exclusivement par la mobilisation des utilisateurs que nous sommes.

 


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